Gare de Charleville-Mézières, six minutes d'arrêt !


Bienvenue dans les Ardennes ! Si vous venez dans notre joli département par le train, c'est ici que vous foulerez du pied notre sol pour la première fois : la gare SNCF de Charleville-Mézières ; et ce, que vous arriviez par le TGV, le TER ou même le bus. Lieu d'accueil, de rencontre, d'histoire et même de poésie, le quartier de la gare carolomacérienne s'écrit avec ses lettres de noblesse...


15 septembre 1858 : le premier train entre en gare !

La conquête du chemin de fer en France s'établit au XIXe siècle. Dans les Ardennes, la ville de Charleville est reliée à Reims par une voie unique dès 1858, mettant ainsi la ville carolo à huit heures de Paris. Il fallait être motivé, quand on sait qu'aujourd'hui Paris n'est plus qu'à 1h30 par TGV ! Trois années s'écoulèrent pour qu'une seconde voie soit ouverte, le 10 juin 1861, et que Charleville soit directement reliée à la capitale. 
En 1857, la ville de Givet dans la pointe nord du département voit le train siffler en ses murailles, et continuer jusqu'en Belgique. 
En 1863, les Ardennes se raccordent à Thionville en Lorraine, via Mohon, Sedan, Carignan et Montmédy.
Il faudra attendre presque dix ans pour que les Ardennes soient reliées au département de l'Aisne, à Hirson en 1869 et au-delà vers Lille, permettant dans la foulée de raccorder les petites villes ardennaises de Tournes et de Liart.
Dans les années 1950 notamment, les lignes sont peu à peu électrifiées, mais le nombre de gares ne cessent de diminuer (Tournes, Liart,... ferment) et la ligne Givet-Dinant est supprimée. Preuve que ce choix fut une erreur : aujourd'hui les élus se battent pour sa réouverture...

Un bâtiment qui n'a pas changé

La gare aujourd'hui est la même qu'à sa construction il y a 150 ans. Une belle architecture, de beaux volumes, des quais couverts par une magnifique verrière d'époque font de la gare de Charleville-Mézières un bel exemple du savoir-faire français. Voici deux images, la première de nos jours, et la seconde datant d'avant 1914 : rien ou presque n'a bougé.

La gare de Charleville-Mézières au printemps 2013

La gare de Charleville avant 1914
Aujourd'hui, les bus urbains ont remplacé le tram, qui reliait les villes de Charleville et de Mézières au temps de la "désunion" (Charleville-Mézières telle qu'elle existe aujourd'hui est le résultat d'une fusion en 1966 entre les deux grandes villes et d'autres villages alentours), cette dernière n'ayant pas de gare sur sa commune (Charleville et Mohon étaient les gares les plus proches).


Les travaux de mise en valeur du quartier de la gare qui se sont achevés il y a deux ans, ont permis de rendre le parvis aux seuls piétons, et la voie passant entre la gare et le square est désormais réservée aux bus, comme elle le fût au tramway par le passé. Le square a retrouvé de sa superbe, de nouvelles allées fleuries et ombragés par des arbres centenaires permettent de déambuler agréablement, le kiosque au centre joue sa musique lors de fêtes et de cérémonies.

Kiosque illuminé dans la nuit (source sur la photo)

Abribus à la lumière bleue (source sur la photo)

Et Rimbaud inscrit ses mots sur les allées pavées. Pas sûr que cela lui aurait plu d'être ainsi fixé dans ce square sous le pied des passants, lui qui détestait Charleville et ses habitants, comme en témoigne ce poème : 

À la Musique

Place de la Gare, à Charleville.


Sur la place taillée en mesquines pelouses,
Square où tout est correct, les arbres et les fleurs,
Tous les bourgeois poussifs qu'étranglent les chaleurs
Portent, les jeudis soirs, leurs bêtises jalouses.

− L'orchestre militaire, au milieu du jardin,
Balance ses schakos dans la Valse des fifres :
− Autour, aux premiers rangs, parade le gandin ;
Le notaire pend à ses breloques à chiffres.

Des rentiers à lorgnons soulignent tous les couacs :
Les gros bureaux bouffis traînent leurs grosses dames
Auprès desquelles vont, officieux cornacs,
Celles dont les volants ont des airs de réclames ;

Sur les bancs verts, des clubs d'épiciers retraités
Qui tisonnent le sable avec leur canne à pomme,
Fort sérieusement discutent les traités,
Puis prisent en argent, et reprennent : "En somme !..."

Épatant sur son banc les rondeurs de ses reins,
Un bourgeois à boutons clairs, bedaine flamande,
Savoure son onnaing d'où le tabac par brins
Déborde − vous savez, c'est de la contrebande ; −

Le long des gazons verts ricanent les voyous ;
Et, rendus amoureux par le chant des trombones,
Très naïfs, et fumant des roses, les pioupious
Caressent les bébés pour enjôler les bonnes...

− Moi, je suis, débraillé comme un étudiant,
Sous les marronniers verts les alertes fillettes :
Elles le savent bien ; et tournent en riant,
Vers moi, leurs yeux tout pleins de choses indiscrètes.

Je ne dis pas un mot : je regarde toujours
La chair de leurs cous blancs brodés de mèches folles :
Je suis, sous le corsage et les frêles atours,
Le dos divin après la courbe des épaules.

J'ai bientôt déniché la bottine, le bas...
− Je reconstruis les corps, brûlé de belles fièvres.
Elles me trouvent drôle et se parlent tout bas...
− Et je sens les baisers qui me viennent aux lèvres...

Les "pavés" Rimbaldiens sur le sol carolo



Laissez donc ce train qui vous conduit je ne sais où, descendez et sortez de la gare découvrir la ville... Déambulez dans les allées du square, laissez-vous porter par les vers de Rimbaud, volez jusqu'à la place Ducale... Bienvenue à Charleville-Mézières !