Le bureau d'octroi de Mézières



Lorsque vous empruntez l'avenue d'Arches à Charleville-Mézières, pour vous rendre de l'Hôtel de Ville au Cours Briand, vous passez obligatoirement devant une maison qui semble en décalage avec les autres bâtisses de style art-déco de la rue. Une maison de deux niveaux plus les combles, aux murs de pierres jaunes et de briques rouges. C'est l'octroi.

Qu'est-ce que l'octroi ?

L'octroi est une taxe perçue sur certaines marchandises par les municipalités, à leur entrée sur le territoire de la commune. Contribution indirecte, l'octroi frappait les produits les plus rentables comme le vin, le sucre, l'huile, le café. Concrètement, le service d'octroi, situé aux portes d'entrée de la ville contrôle les marchandises afin de prélever cet impôt, et ce jusqu'à la Seconde guerre mondiale, en 1943, date à laquelle le gouvernement Laval le supprima. Néanmoins, l'octroi persiste dans les territoires d'outre-mer sous le nom d'octroi de mer.

L'octroi à Charleville et Mézières


  
 Portes du faubourg d'Arches.
Noter le tracé en chicane de la chaussée, l'arrondi du viaduc de la Prée au Pont. En arrière du pilier de droite de la première porte, c'est l'octroi. On distingue au fond un pilier de la seconde porte.
Source : CDDP des Ardennes






















Comme dans les autre communes, Charleville et Mézières avaient leur bureau d'octroi.
Dans le Bulletin des lois de la République Française, le bulletin n°56 réserve un alinéa à la ville de Charleville, en y détaillant les changements de taxe sur certains produits concernés par l'octroi en 1833.

Ainsi, on apprend par exemple que la bière importée était taxée à hauteur de 1,50F l'hectolitre, que le boeuf était taxé à 13F par tête, ou encore la planche à couteau en chêne de 2 centimes.
La publication précise également qu'une taxe, dit de Char, sera perçue sur les charrettes de 6,50 mètres.
Enfin, il est dit que les autres dispositions de l'octroi déjà appliquées, continueront de l'être selon les mêmes règles.




L'imposition de cet octroi sur les marchandises avaient des conséquences directes et évidentes. L'une de ces conséquences concerne les cafés et civettes. En taxant à l'entrée de la ville le café, le vin, le sucre, les plus sévèrement touchés étaient ces lieux de sociabilité, fréquentés par le peuple ouvrier et agricole notamment, dont les ressources étaient les plus faibles. Pour éviter que ces taxes ne viennent frapper leurs établissements, les cafetiers s'installaient en dehors des villes, dans les faubourgs, en amont des portes et donc des bureaux d'octroi. Contourner le fisc est un sport auquel on participe de longue date...

La maison de l'Octroi Avenue d'Arches à Charleville-Mézières

La maison est située à l'angle de l'avenue d'Arches et du boulevard du Préfet Frain. Par ailleurs, chose assez rare, cette maison possède un numéro dans les deux rues, le 59 pour la première, le 9 pour la seconde.


La façade situé boulevard du préfet Frain comporte quatre fenêtres dont une double, et trois lucarnes de toit. Chaque fenêtre est décorée par des moulures, celle de l'étage est surmontée d'un petit fronton en forme de triangle et représentant un blason. Le mur alterne des bandes de pierre jaune et de briques rouges, trois rangées de briques pour une rangée de pierre, le motif se répétant dix fois. De part et d'autre de ce mur se situent la face latérale des deux façades est et ouest de la maison, avec au niveau du toit, en haut, la lettre gravée "M" sur un bloc de pierre, pour Mézières, surmonté d'une décoration en triangle. Enfin, le toit est en ardoise.

La façade est de la maison donne sur l'Avenue d'Arches. On retrouve un mur alternant pierre jaune et brique rouge, se répétant dix-huit fois, une fenêtre simple à l'étage, ainsi qu'une fenêtre triple en rez-de-chaussée. En revanche, la façade se termine ici en triangle, bien que la partie en rectangle est semblable à la façade de l'autre rue. Entre les deux fenêtres, est inscrit la fonction de cette bâtisse : OCTROI.



Tout en haut, le blason de la ville de Mézières est représenté : "de gueules, à deux rateaux d'or en chef, et à la lettre capitale M du même en pointe". 


Lors de la destruction des portes d'entrée entre les deux communes, l'octroi étant encore en vigueur, la maison fut conservée, puis cédée à la fin de l'octroi par la ville de Mézières. Aujourd'hui, cette maison est privée.